Comment tirer un avantage de la crise géopolitique russo-européenne ? (1/2)
La crise ukrainienne débutée en 2014 à déjà fait couler beaucoup d’encre, certains ont prétendu l’aurore d’une nouvelle Guerre froide, d’autres ont prédit la troisième Guerre mondiale entre la Russie et les États-Unis. Deux années plus tard, le monde semble avoir accepté ce nouveau contexte et le changement de paradigme géopolitique, passant du monde unimultipolaire (1) en place depuis 1991, à un monde multipolaire. Si les tensions russo-européennes ont eu leur lots d’inconvénients, pour l’économie russe par exemple ou pour le règlement du conflit syrien, il est désormais possible d’en dégager certains avantages. Des avantages qui se définissent aussi bien sur des niveaux de politiques intérieures qu’extérieures. Cet article, en deux parties, décryptera les avantages que la Russie et ses alliés ont pu tirer de cette crise, le second étudiera le cas des institutions occidentales.
Tout d’abord, l’un des acteurs majeurs, si ce n’est l’acteur principal: la Russie. Du point de vue militaire, les tensions persistantes à la fois dans le Donbass et en Syrie, couplées à la menace nord-atlantique ont justifié le renforcement militaire russe auprès de la population dans une économie pourtant en récession. Accusant les États-Unis et l’Europe d’être le véritable agresseur lors de la crise ukrainienne, la Russie refuse l’expansion de l’OTAN sur ses marges occidentales. Suite à l’éloignement entre l’Europe et la Russie, Vladimir Poutine a pu soutenir une vision géopolitique multipolaire, développée depuis l’intervention russe en Géorgie, à travers le renforcement de sa position dans certaines institutions comme les BRICS, l’UEE ou l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghaï). La politique internationale du gouvernement russe a pendant près de deux ans, tenue place dans les unes des grands titres de la presse mondiale, lui permettant de faire résonner ses actions auprès de sa population, ainsi la politique extérieure en Russie s’est mise au service de la politique intérieure, allant même jusqu’à la remplacer.
Une crise qui a consolidé l’axe Russie-Iran-Chine
Au niveau international, depuis le rapprochement entre la Russie et l’Iran et la Chine, certains spécialistes utilisent le terme de « nouvel empire mongol » en référence à l’empire bâtit par Genghis Khan, qui a constitué un des territoire les plus étendue de l’histoire. Ce rapprochement géopolitique a permis à l’Iran d’obtenir un soutien de poids au Moyen-Orient, afin de contre-balancer les alliances US-Israël d’une part et US-Arabie-Saoudite d’autre part. Dans les négociations sur le nucléaire la Russie a eu un rôle de médiation important en faveur de l’Iran (à partir de 2013) et a permis à un de ses alliés, Bachar al-Assad, de rester au pouvoir dans le contexte de la crise syrienne. La Chine de son côté, possède également un fort intérêt à l’existence d’une alliance sino-russe, notamment face au déploiement militaire américain dans l’Océan Pacifique, sur les côte de l’Asie du Sud-Est et du Japon. Les exercices militaires navals conjointement menés en 2015 non loin de Vladivostok le montre bien. Pour la Chine, c’est également la possibilité de profiter des problématiques géopolitiques imposées par la Russie aux États-Unis, en particulier au Moyen-Orient.
Si cette nouvelle donnée géopolitique qu’est l’axe Russie-Iran-Chine, peut être directement imputé à la crise ukrainienne et au refroidissement des relations russo-européennes, il est nécessaire de spécifier l’inégalité des forces composant cette alliance, aujourd’hui informelle. Ainsi l’Iran paraît beaucoup plus faible que la Chine et la Russie, notamment dans sa capacité à contrôler le Moyen-Orient, qui reste bien en-deçà des capacités saoudiennes. En comparaison, la Russie et la Chine sont deux dominants régionaux incontestables. La Chine a également l’avantage du rapport de force face à la Russie, aussi bien au niveau économique que démographique. Cette alliance répond tout de même à un intérêt commun, notamment face à la situation au Moyen-Orient et la nécessité pour ces trois pays de faire barrage aux mouvements Jihadistes, menaçant un allié commun : Bachar al-Assad et menaçant également l’intégrité de ces trois territoires. L’Iran ayant une frontière commune avec l’Irak, dont une partie du territoire est aujourd’hui contrôlé par Daesh, mais également pour la Russie avec la Tchétchénie et au Xinjiang pour la Chine, deux régions considérés par les gouvernement de ces deux pays, comme étant potentiellement conflictuel.
(1)Le monde unimultipolaire est évoqué par Samuel Huntington pour expliquer la situation internationale au milieu des années 1990. Il s’agit d’un monde où les États-Unis ne sont pas capables de tout faire seul (caractère multipolaire). Mais c’est aussi une situation où les autres États ne peuvent rien faire sans les États-Unis eux-mêmes (caractère unipolaire).